Dégu
- Charles Rochette
- 31 oct. 2023
- 9 min de lecture
Dernière mise à jour : 10 févr. 2024

Le dégu est un animal domestique plutôt récent, mais qui gagne rapidement en popularité. En fait, au début, l’homme s’est intéressé à cet animal surtout pour la recherche. En effet, le dégu a été un modèle pour la recherche sur le diabète. Il a également été utilisé pour des études neurologiques sur la coordination entre l’œil et la patte. En fait, il a été introduit aux États-Unis ainsi qu’au Royaume-Uni en 1964 pour des études sur le comportement et l’anatomie. Vingt adultes dégus ont alors été capturés et envoyés au Massachusetts dans un institut de technologies. Un zoo a alors mis la main sur les descendants de cette colonie, qui sont devenus les ancêtres des dégus domestiques aujourd'hui présents en Amérique du Nord. Il s’agit donc d’un animal domestiqué relativement nouveau et qui est encore considéré comme animal sauvage dans de nombreux pays européens. La garde en captivité d’un dégu dans ces régions du monde (comme la France) demande donc un permis.
Classification et habitat:
Le dégu ou encore l'octodon dégu est en fait un petit rongeur de la famille des Octodontidés. On l'appelle parfois tout simplement octodon, par assimilation au genre auquel il appartient. Les membres de ce genre dont le dégu fait partie ont la particularité de posséder des molaires et des prémolaires en forme de « 8 ». On l’appelle aussi parfois dégu du Chili en référence à son pays d'origine. On le retrouve donc à l'état sauvage dans une zone qui s'étend de la partie centrale du Chili jusqu'au sud du Pérou. Les dégus vivent ainsi dans les plaines de ces contrées situées à l'ouest de la Cordillère des Andes. Dans cette région semi-aride, ils peuvent vivre jusqu'à 1200 mètres d'altitude.
Comportement et rôle historique:
En nature, ils vivent en clans formés d'un mâle et d'environ trois femelles. Ces clans sont regroupés en colonies d'environ une centaine d'individus. Ces derniers creusent dans le sable et le sol rocailleux un système complexe de terrier. Devant les terriers, sont formés de petits monticules définissant le statut hiérarchique des mâles de la colonie.
Il y a quelques siècles de cela, ceux-ci étaient recherchés par les conquistadors espagnols ainsi que par certains clans et tribus indigènes de la région, et ce, en raison de leur chair considérée comme plutôt savoureuse. Malgré cela, ils sont - contrairement à leurs confrères chiliens, les chinchillas - loin d'être une espèce menacée puisqu'ils sont les mammifères les plus prolifiques du Chili. Ils y sont même perçus comme une nuisance, voire une peste agricole, puisque bien souvent, ils aiment se nourrir des récoltes.
Reproduction et longévité:
Côté reproduction, les dégus sont donc des animaux très prolifiques. Ils atteignent leur maturité sexuelle vers leur 75e jour d'âge. Les femelles dégus sont fertiles toute l'année durant, contrairement au chinchilla. Comme bien des rongeurs, un dégu peut donc avoir une portée comprenant de nombreux rejetons (entre 1 et 12, mais généralement entre 4 et 8). Les dégus naissent complètement nus et les yeux fermés (les yeux s'ouvriront 3 jours après la naissance de l'animal), comme la majorité des rongeurs, et leur période de gestation est de 90 jours, ce qui est relativement long pour un rongeur, mais demeure tout de même un mois de moins que chez leur grand cousin le chinchilla. Ils sont donc, en ce qui concerne la reproduction, tout à l'opposé des chinchillas qui vivent dans la même région du monde. Le nouveau-né aura en captivité une espérance de vie relativement longue pour un rongeur, soit de 5 à 7 ans, mais certains résistants peuvent vivre jusqu'à une quinzaine d'années.
Morphologie et différenciation sexuelle:
Il peut paraître difficile pour un œil novice de différencier les mâles des femelles puisque les mâles ne possèdent pas de scrotum à proprement parler. En fait, chez cette espèce, les testicules sont situés dans les canaux inguinaux. Pour différencier les mâles des femelles, on peut se fier à la distance anogénitale, qui est plus petite chez la femelle que chez le mâle. De plus, une pression dans la région concernée peut permettre d'extérioriser le pénis du mâle.
Une fois adulte, l'animal mesure une vingtaine de centimètres et pèse entre 180 et 250 grammes. On le compare fréquemment à un écureuil. Plusieurs diront du dégu qu'il s'agit de l'écureuil du Chili en raison de cette ressemblance morphologique. En fait, morphologiquement, le dégu du Chili est un animal très ancien. Les fossiles de son ancêtre n'auraient que très peu changé depuis les 52 millions des dernières années.
Caractéristiques physiques et précautions lors de la manipulation:
En nature, les dégus sont de couleur agouti avec des zones de couleur crème situées au niveau du ventre, des pattes, du cou et autour des yeux. En captivité, les mutations génétiques ou les croisements intentionnels ont permis de faire apparaître des robes de différentes couleurs: blanche, noire, gris-ardoise ou encore fauve.
Lorsqu'on manipule un dégu, il faut absolument éviter de le tenir par la queue. En effet, l'évolution a créé chez cette espèce un moyen de défense remarquable. En cas d'attaque par un prédateur, si ce dernier vient à saisir l'animal par la queue, celle-ci se déchirera littéralement. Ce moyen de défense est comparable à celui retrouvé chez les lézards, mais contrairement à ces derniers, la queue du dégu ne repoussera jamais. La perte de la queue est pour l'animal une véritable mutilation qui ne guérit jamais.
Caractéristiques dentaires et alimentation:
Les dents des dégus du Chili sont de teinte orangée, tout comme celles du chinchilla. Cette coloration est normale et due à la couleur orangée de leur salive. Comme tous les rongeurs, les dents des dégus sont à croissance continue. Du foin de fléole (pas de foin de luzerne qui contient trop de calcium, trop de sucre et de protéines) devrait être disponible en tout temps pour permettre une usure adéquate des dents. Le foin fourni devrait être entier, et on devrait éviter les foins en cubes qui ne permettent pas une aussi bonne usure des dents de l'animal. En complément, il est recommandé de mettre à leur disposition différents substrats leur permettant de les user le plus possible. Par exemple, des branches de bois dur, comme des branches de pommier, sont tout à fait indiquées (il faut éviter les branches de bois dur provenant de certains arbres toxiques tels que le cerisier, le prunier, le cèdre). Une mauvaise usure des dents de l’animal peut occasionner une malocclusion dentaire (particulièrement au niveau des molaires) et empêcher non seulement l'animal de s'alimenter correctement, mais pourrait aussi occasionner des abcès dentaires très douloureux.
Habitat et comportement:
Si tous les rongeurs rongent, il faut savoir que les dégus sont particulièrement destructeurs. Ils peuvent passer à travers un fond de cage en plastique en peu de temps. Beaucoup vont donc privilégier les aquariums avec un couvercle grillagé pour remédier à cette problématique. Toutefois, il faut savoir que, tout comme les chinchillas, les dégus adorent grimper. Ils ont besoin d'une grande cage en hauteur avec des paliers et des étages ainsi que des branches pour assouvir leurs instincts naturels. La cage doit être spacieuse, beaucoup plus que celle des autres rongeurs conventionnels. L'idéal est une cage entièrement faite de métal, ce qui est plutôt difficile à trouver sur le marché. Souvent, des volières pour oiseaux sont utilisées par les propriétaires. Dans la cage, il faut également fournir à l'animal des cachettes et des abris, permettant tant de se cacher que d'explorer de nouveaux espaces.
Exercice et santé physique:
De plus, le dégu étant très actif, il est nécessaire de lui fournir une roulette pour faire de l'exercice. Celle-ci devrait être en métal pour éviter que l'animal n'y fasse ses dents et avoir un diamètre d'au moins 8 pouces. Il faut privilégier les roues faites en grillage plutôt qu'en barreaux afin d'éviter que l'animal ne s'y blesse. La litière placée au fond de la cage devrait idéalement être faite de papier recyclé, les litières à base de carton recyclé étant également adéquates. Il faut éviter les litières à base de copeaux de pin ou de conifères, car les huiles du bois sont irritantes pour la peau, les yeux, le système respiratoire et sont hépatotoxiques.
Toilettage et bain de sable:
La peau des dégus produit une grande quantité de sébum. Provenant de la même région géographique que les chinchillas (région volcanique où l'on retrouve un sable très fin à base de poussière volcanique), ils nécessitent, tout comme ces derniers, un bain de sable. Ce bain devrait avoir au moins 5 cm de profondeur, et il faut le mettre à leur disposition une fois par jour pour environ une vingtaine de minutes. Cela leur permet de conserver leur pelage propre et de prévenir les maladies de peau. Il faut toutefois éviter de laisser le bac de sable dans la cage après la période d'exposition car cela pourrait causer des problèmes oculaires (conjonctivites), des problèmes respiratoires ou, à l'opposé de l'objectif initial, des problèmes de peau.
Alimentation et sensibilité au diabète:
Côté alimentation, le dégu, provenant d'un milieu très aride, se nourrit naturellement d'écorce, de feuilles et de graines, ayant ainsi une alimentation riche en fibres (15 à 35%). Il est recommandé de lui fournir du foin de fléole des prés (timothé) en tout temps pour permettre l'usure de ses dents et reproduire cette alimentation riche en fibres. On devrait également lui fournir des blocs pour rongeurs et de la moulée pour cochon d'Inde pour éviter les carences alimentaires. Des moulées spécialement conçues pour les dégus sont maintenant sur le marché. Il est nécessaire de choisir une moulée qu'il ne pourra pas trier, afin d'éviter qu'il choisisse uniquement les aliments qu'il préfère, ce qui pourrait provoquer des carences alimentaires graves. Il est également possible de lui fournir des morceaux de légumes comme gâteries, mais il faut éviter les fruits ou tout autre aliment sucré. Comme mentionné, son alimentation à l'état sauvage est fortement dépourvue de sucre. Les dégus sont donc devenus, par le biais de l'évolution, des animaux « naturellement » diabétiques, ne tolérant pas bien le sucre et pouvant développer un diabète mellitus (diabète sucré) s'ils en consomment trop. Ces animaux sont souvent utilisés en recherche comme modèles pour étudier le diabète chez l'humain. Un dégu diabétique augmentera sa consommation d'eau et présentera souvent des cataractes diabétiques secondaires. Une trop grande quantité de sucre dans son alimentation peut également engendrer divers problèmes digestifs. Aussi, afin d'éviter tout problème digestif auquel cet animal est très sensible, il faut éviter tout changement de diète trop rapide. Une mauvaise alimentation peut également entraîner des problèmes d'obésité, auxquels les dégus sont particulièrement prédisposés.
Comportement et Interaction avec les humains:
Il est à noter que, tout comme le lapin, les dégus sont cæcotrophes, ce qui veut dire qu'ils produisent deux types de fèces: les fèces dures et sèches, et les fèces molles et humides qu'ils vont manger directement au niveau de l'anus pour profiter au mieux des nutriments contenus dans leur alimentation. Cette pratique est normale et nécessaire pour l'animal.
Le dégu est un animal grégaire, qui vit en groupe dans la nature. La cohésion du groupe est maintenue par divers comportements sociaux tels que le toilettage mutuel et les communications sonores. Il est donc recommandé de garder les dégus en groupe pour répondre à leurs besoins sociaux. Il faut toutefois éviter de mélanger des mâles et des femelles non stérilisées, car la reproduction chez ces animaux est très rapide et ils peuvent avoir plusieurs portées par année. Les femelles ont une saison de reproduction définie durant laquelle elles peuvent avoir plusieurs chaleurs. La reproduction est donc assez facile à réaliser, mais il faut s'assurer de ne pas provoquer de consanguinité, ce qui pourrait engendrer de graves problèmes de santé chez les descendants.
Le dégu est également un animal très curieux et intelligent, qui peut s'apprivoiser relativement facilement si on lui donne suffisamment de temps et d'attention. Il est donc possible de créer un lien fort avec l'animal et de l'intégrer à sa famille.
Soins vétérinaires:
Il est recommandé de faire examiner son dégu par un vétérinaire spécialisé dans les animaux exotiques au moins une fois par année pour vérifier son état de santé général et ses dents, qui peuvent causer des problèmes importants s'ils ne sont pas correctement usés. Il est également conseillé de faire vacciner son dégu contre certaines maladies communes aux rongeurs. En cas de problèmes de santé, il est essentiel de consulter rapidement un vétérinaire spécialisé pour éviter toute complication. Le dégu est une espèce qui cache bien ses symptômes de maladie, il faut donc être très attentif à son comportement et à son apparence physique pour détecter rapidement tout problème de santé.
Conclusion:
En somme, le dégu, un rongeur originaire du Chili et récemment domestiqué, s'est avéré être un animal de compagnie intéressant et une ressource précieuse pour la recherche scientifique. Bien qu'il soit encore considéré comme sauvage dans certaines régions, sa popularité en tant qu'animal domestique ne cesse de croître. Avec ses besoins spécifiques en termes d'habitat, d'alimentation et de soins, le dégu requiert une attention particulière de la part de ses propriétaires. Sa nature grégaire et son intelligence en font un compagnon interactif et attachant, mais nécessitent également une prise en charge responsable pour éviter les problèmes de santé et assurer son bien-être. La garde de dégus en groupe, une alimentation adaptée pauvre en sucre, et des soins vétérinaires réguliers sont essentiels pour maintenir ces animaux captivants en bonne santé et heureux.
Charles Vétérinaire
Vétérinaire à Montréal
514-444-5118
𝘤𝘩𝘢𝘳𝘭𝘦𝘴𝘷𝘦𝘵.𝘤𝘰𝘮